vendredi 25 novembre 2011

Evangile des élections: " Convertir le pays"!



                             

En parlant des élections, peut-on en même temps parler de "l'évangile des élections"? D'emblée non, et pourtant oui, aussi!


        

Le mot "évangile" désigne communément, dans le langage biblique, le récit de la vie de Jésus, rédigé par l'un des témoins(Apôtre, Évangéliste). Mais déjà en Grèce antique et dans le grec profane, "évangile" signifie "bonne nouvelle", particulièrement l'annonce d'une victoire. La paix romaine, les principaux événements de la vie de l'empereur tels que la naissance d'un prince ou l'anniversaire de l'empereur étaient autant d'évangiles à célébrer( Cf Xavier LEON-DUFOUR(dir), Vocabulaire de Théologie Biblique, 2ième éd, Paris, Cerf, 1971, pp.411-412.). Avec cette acception, les élections constituent bel et bien un évangile, une bonne nouvelle. Parce que les élections constituent un événement vital dans la vie des peuples et des pays; un temps fort, un tournant à ne pas rater. Parce que, avec ou sans les élections, le peuple peut vivre ou mourir; avec les élections, le peuple peut choisir de vivre ou de mourir; avec les élections prévues pour lundi 28 novembre 2011, nous pouvons consacrer la mort du pays ou célébrer sa résurrection. Allons aux élections, le rendez-vous nous a été donné depuis 2006. Mais qu'allons-nous faire ce 28 novembre?

                             Du 21 au 25 février 2011, les Evêques catholiques de la RDC, membres du Comité Permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Cenco(CENCO) se sont réunis et ont lancé une exhortation sur les élections: Année Électorale: que devons-nous faire? ( Ac 2, 37).  Cette exhortation a servi d'instrument pour la sensibilisation sur les enjeux électoraux. La question "Que devons-nous faire" reprise dans son intitulé reprend la question de nombreux juifs adressée à Pierre le jour de la Pentecôte. Pierre était le majordome des Apôtres et disciples de Jésus. Après la mort du Messie, tous étaient atterrés et terrés dans un local à Jérusalem, craignant les représailles des Juifs, parce que leur héros, Jésus, n'était plus avec eux. Soudain, comme promis, Jésus déjà ressuscité leur envoie l'Esprit Saint, le Défenseur( Jn 16, 7). Alors, Pierre prend la parole pour annoncer l’Évangile de Jésus, la bonne nouvelle de Jésus mort, ressuscité, victorieux. Bouleversés, les auditeurs leur(Apôtres) posent la question: que devons-nous faire? La réponse est connue: Convertissez-vous...(Ac 2, 38). 
                          Je pose ma question: pouvons-nous nous convertir, pour convertir le pays ce 28 novembre? Pourquoi pas!

        I. De 2006 à 2011

                          Nous(pas tous, certains) avons voté à 2006. La CEI avait organisé des élections présidentielles et législatives, nationales et provinciales. La Constitution, au stade actuel,  veut que l'exercice soit repris après 5 ans de mandature.
                               Dans l'exhortation du Comité Permanent de la CENCO, les Évêques ont voulu apporter leur contribution pour consolider les bases d'une destinée communautaire à construire dans la justice, la vérité et la paix, et ouvrir ainsi des nouveaux horizons pour l'avenir de la Nation( Cf CENCO, Année Electorale: que devons-nous faire? (Ac 2, 37), Ed du Secrétariat Général, Kinshasa, 2011, p.3).
Les Évêques apprécient à leur juste valeur ce qui a été effectif: fonctionnement des élections issues des élections de 2006, et rappellent que les élections de 2011, comme toutes les élections,  ont comme enjeu principal la construction d'un Etat réellement démocratique, dans lequel le pouvoir appartient au souverain primaire, lequel le donne à ses mandataires à travers les élections. Il faut donc que les élections soient soignées, et que la volonté du souverain primaire soit respectée.

                                    Prenant acte de la révision constitutionnelle qui a entre autres fait passer les élections de deux tours à un seul tour, les Évêques expriment leur légitime crainte de voir cette révision "précipitée et expéditive", ne préluder "à d'autres qui conduiraient au retour au monopartisme, à la fin de la démocratie et à l'instauration d'une nouvelle dictature"( p.6). Ils ne manquent pas d'exprimer leur indignation "par la virulence de la réplique du Gouvernement et ses propos désobligeants à l'égard de Son Éminence Laurent Cardinal Monsengwo"(p.7) qui avait critiqué la révision constitutionnelle.
La CENCO apprécie également les efforts de l’État pour assurer la sécurité nationale et renforcer la bonne gouvernance, sans omettre de reconnaître que la paix n'est pas encore un acquis sur plusieurs zones du territoire national, notamment la Province Orientale et les Kivu où sévissent encore les rebelles LRA et les FDLR, chose qui contraste avec les déclarations officielles de ceux qui sont chargés de mettre fin à l'insécurité. Par ailleurs, les Évêques ne manquent de rappeler que la souffrance de la grande majorité de la population est évidente et indiscutable(p.8); la corruption bat son plein jusqu'aux plus hauts niveaux de l'appareil étatique. L'atteinte du point d'achèvement de l'I-PPTE est aussi appréciée, mais le souhait est que les retombées de l'annulation de la dette affectent réellement les secteurs prioritaires: éducation, santé et infrastructures sociales(p.9).

         II. L'heure électorale avait déjà sonné!

                             L'horloge électorale était déjà réglée depuis 2006 pour sonner en cette année 2011. Mais depuis, la CENI a tardé à entrer en fonction. Un retard injustifiable a été enregistré en ce qui concerne la constitution du Bureau de la CENI et le début effectif de ses activités. Ce retard a été couronné par de querelles des partis politiques pour la désignation et la validation de mandats de leurs membres au Bureau de la CENI, comme si la composition du Bureau de la CENI devait déterminer déjà une victoire électorale! Du coup, la CENI travaille avec précipitation, beaucoup de ratés: taux très du nombre des centres d'inscription et des bureaux de vote par rapport à la géographie et à la démographie des électeurs; histoire des bureaux de vote fictifs selon les uns, mal cartographiés selon les autres; pas de bonne stratégie de communication au Bureau de la CENI et avec les partis politiques, difficultés de logistiques; pas de budget pour la sensibilisation; embrigadement des agents scolaires et autres dans les opérations électorales sans tenir compte des retombées négatives. Même si beaucoup de partenaires de 2006 n'ont plus apporté autant de soutien à la CENI qu'ils l'avaient fait pour la CEI en 2006, la CENI devrait déjà être opérationnelle depuis 2006. Les élections ne se préparent en l'année électorale! Le gouvernement n'a-t-il pas eu intérêt à ne pas le faire depuis?Ça ressemble un peu aux Léopards, l'équipe nationale, qui ne se constitue que lors des compétitions!

           III. Que pensent le peuple et les candidats de ces élections?

                              Ici, il y a à boire et à manger! De 2006 à 2011, que pensent les congolais de leur pays? de sa gestion? des élections? des élus? des candidats? La réponse dépend du clivage Majorité et Opposition, c'est qui est marrant! Une même réalité est vue tantôt en noir, tantôt en blanc. Mais ce sont les différents rapports qui doivent intéresser l'opinion nationale; en fait, le meilleur miroir c'est le regard d'autrui, parce qu'on peut tomber dans le narcissisme! Les rapports de la Banque Mondiale,des ONGDH et autres Institutions spécialisées classent la RDC plutôt dans le rouge: corruption, violation des Droits Humains, pauvreté, etc. On dirait que c'est le peuple congolais lui-même qui établit ces rapports! Tout revient à dire que les promesses de 2006 ont mal tenu et/ou n'ont pas tenu du tout! Le peuple dit:"Ils n'ont rien fait!", même en parlant des parlementaires. De 2006 à 2011, le congolais moyen vit encore et toujours dans son chomage, dans son insécurité, avec ses maladies, etc. Bref, dans sa misère. Il se culpabilise de ses élections de 2006. Il culpabilise ses élus. Les élus parlementaires de 2006 n'ont pas été sincères, du moins la grande majorité. Ils promettaient les routes, écoles, hôpitaux une fois élus députés ou sénateurs, au lieu de dire qu'ils lutteraient pour que le Gouvernement construise de telles infrastructures. Ils ont profité de l'ignorance de la population et de sa pauvreté! Rares parmi ces élus sont aujourd'hui,tardivement, sincères; ils reconnaissent que le travail d'un député n'est pas de construire des infrastructures. Si, des élus de 2006, le peuple dit qu'ils n'ont rien fait, c'est que d'une part, ils n'ont pas réalisé les promesses tenues(peut-être qu'ils pensaient le faire avec leurs propres moyens), et, d'autre part, ils n'ont pas été à la mesure de contrôle l’exécutif avec succès! On connaît l'histoire des motions dans les Assemblées législatives du pays!
                                Autre fléau: tout le monde voudrait être député, tout le monde: étudiants, commerçants, enseignants, médecins, etc.comme s'il n'y a pas d'autre mode d'être utile au pays et/ou à la communauté. Certains candidats battent une campagne timide, on dirait ils n'étaient pas convaincus de leurs candidatures. Beaucoup auraient déposé leur candidature à la CENI pour espérer faire des affaires avec l'argent que les partis leur donneraient pour campagne!

                               En outre, la population prend aussi part à la campagne électorale: elle soutient et critique; elle demande du sel, du savon, etc. Beaucoup de candidats continuent d'étouffer dans l’œuf la démocratie gestionnante, en promouvant cette culture d'échange de voix contre de dons; ils devraient plutôt promouvoir la culture la démocratie, c'est-à-dire l'échange de voix contre les projets de société. On voit de gens faire la queue devant les résidences des candidats, surtout ceux qui étaient au parlement; il y a même d'autres personnes qui veillent jusqu'à l'aube pour attendre un don! Beaucoup sèchent au soleil. Quelques mamans se disputaient violemment le partage d'une enveloppe au sortit d'une résidence! Du coup, battre campagne revient à jouer au Père Noël! ou, pour ceux qui ont peu de moyens, porter les insignes du parti, les faire porter aux engins roulants, hisser de drapeaux muets par-ci par-là, énumérer les "réalisations concrètes" pour appâter l'électorat,  tenir de meetings populaires qui ressemblent plutôt aux monologues, etc. Tous, presque, évitent le jeu de questions-réponses avec le peuple, ou les émissions radiodiffusées avec téléphone ouvert. Beaucoup promettent de prendre en charge les frais scolaires des élèves de plusieurs écoles; on ne sait pas s'ils sont sincères. Mais où étaient-ils pour le faire toujours? On ne devient pas généreux seulement en période électorale. Que tous les candidats cessent désormais de donner l'impression de balayer d'un seul revers de main toute la misère du peuple en période électorale. Je ne suis pas d'accord que tous les candidats les plus "généreux" pendant la campagne sont de bons candidats! Beaucoup d'autres candidats parmi les moins nantis et donc les moins généreux seraient de bons candidats!

                   IV. Pour les élections de ce lundi

Ne votons pas uniquement pour les dons reçus, ni pour la tribu; votons pour les rares projets de société, convaincants,  nous expliqués. Que les partis politiques donnent la bonne leçon à leurs militants pour qu'ils ne provoquent pas de violences électorales.Que la Police et les FARDC gardent leur caractère apolitique, leur neutralité et fasse preuve de patriotisme, en s'abstenant de tout trouble, avant, pendant et après les élections, quelles que soient les pressions. Que les médias ne jettent pas du feu sur la poudre avec des déclarations incendiaires. 
Que chacun se limite à faire son travail: que les FARDC par exemple ne fasse pas le travail de la CENI; que la Monusco ne prétende pas jouer à la Cour Sûpreme de Justice qui valide les résultats; nous ne voulons pas que la RDC devienne la Côte d'Ivoire!

Allons tous aux élections. L'évangile électoral nous appelle à aller voter la résurrection du pays; allons convertir le pays à travers ces élections...

Richard AMALEBONDRA